Tel que mentionné plus tôt, la Résolution sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre fut adoptée par 23 voix pour, 18 contre et 6 abstentions. Comment comprenons-nous la nature du vote, à la fois dans son caractère séparé et collectif ? Pour trouver la réponse, nous examinerons certaines des questions clés soutenant le Oui, les abstentions et le Non.
Comprendre le vote Oui
Le vote Oui devra être analysé et compris dans la trajectoire plus large du traitement de la question OSIG au sein du Conseil des droits de l’homme. Il semble y avoir une certaine fluctuation lorsqu’il s’agit d’appuyer des questions OSIG au sein du Conseil des droits de l’homme. En 2011, lorsque la première résolution OSIG fut adoptée, il y avait 23 pour, 19 contre et 3 abstentions. En 2014, la deuxième résolution fut co-parrainée par 50 États et fut adoptée par 25 pour, 14 contre et 7 abstentions. En 2016, la troisième résolution OSIG fut coparrainée par 49 États et fut adoptée par 23 pour, 18 contre et 6 abstentions.
On peut observer que de 2011 à 2014 il y a eu accroissement constant dans l’appui. Mais 2016 semble indiquer un certain recul puisque les votes semble plus près de la marge de 2011 que celles de 2014.
Comment expliquons-nous ce recul apparent ? Une façon de procéder consiste à considérer que le vote dépend toujours de quels pays étaient membres du Conseil des droits de l’homme. Sans doute, l’adhésion la plus favorable en 2014 représentait la plus grande majorité. Fortuitement, en 2014 la composition était telle que l’Asie fut représentée par quatre pays de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud-Est (Corée du Sud, Japon, Philippines et Vietnam), tous ayant voté en faveur de la résolution. En contraste, 2016 fut une année plus difficile pour les questions OSIG puisque des supporteurs clés (Japon) et quelques-uns qui s’abstinrent (Sierra Leone, Kazakhstan) ne faisaient plus partie du Conseil.
Sans doute, ce que la résolution chercha à faire en 2016 était de loin plus ambitieux qu’en 2014. Le fait que la résolution chercha à établir un Expert indépendant amena possiblement plus d’États à passer de l’abstention au Non (Chine et Congo) et du Oui à l’abstention (Afrique du Sud et Philippines).
Finalement, on ne devrait pas discréditer le rôle important joué par l’opposition mieux organisée et menée par l’OCI, avec un gros appui de la Russie. La résolution de 2014 était un signal d’alarme d’OCI, qui n’hésita pas à dire que la résolution s’opposait à l’Islam et que l’OCI ferait tout pour la défaire. Le vote de 2016 garde certaines traces de la détermination d’OCI de lutter contre les questions OSIG à l’ONU.
Le leadership de LAC 7
Ce qu’il ne faut pas sous-estimer, c’est le leadership de LAC 7, non seulement dans la région de LAC amis à travers le monde. LAC 7 fut instrumental pour veiller à ce que sa région soit complètement derrière le vote. La position de la région fut consensuelle; à part d’assurer un vote favorable en bloc, on a démontré que la question de la discrimination et de la violence basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre n’était pas un dossier occidental mais plutôt une grave préoccupation pour les pays de l’hémisphère sud.
Le leadership fut aussi évident au niveau du soin apporté dans le lobbying en faveur de la résolution. Il y a eu une consultation ouverte et rapprochée avec la société civile, ainsi qu’un désir d’accepter des suggestions et un effort pour faire embarquer un nombre maximum d’États. Il est entièrement possible que les pays asiatiques et africains ayant voté en faveur de la résolution ou s’étant abstenus aient été influencés par le leadership venu du sud.
Le vote Oui asiatique
Une partie clé du succès remporté par le Oui repose sur le fait que trois pays asiatiques ont voté en faveur de la résolution, Des trois, seul le Vietnam s’est expliqué au Conseil avant le vote; il a dit :
M. le Président, le Vietnam applaudi l’initiative et les efforts des membres de la communauté internationale pour prévenir et combattre la violence et la discrimination basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Nous allons voter en faveur de l’ébauche L.2/Rev.1, tel qu’amendé. Le Vietnam voudrait souligner que le mandataire des nouvelles Procédures spéciales endossé dans cette ébauche remplira sa tâche strictement en conformité avec les codes de conduite enchâssés dans la résolution CDH 5/2 – contribuer aux efforts pour aborder la violence et la discrimination à cet égard.
Il est impératif que cette Procédure spéciale, lorsque créée dans le futur, suscite un réel dialogue avec toutes les parties prenantes pertinentes en vue, ainsi qu’un impact positif chez les gens de par le monde. Dans ce processus, les différences parmi la société diversifiée doivent être respectées et considérées, au lieu d’être amplifiées négativement.
Le vote du Vietnam fut un suivi au vote de 2014, où il appuya la résolution OSIG.
Bien que la Mongolie n’ait pas pris la parole à cette session, un indice de son vote favorable est offert dans la déclaration d’Undeg Purevsuren, ministre des Affaires étrangères de la Mongolie, à la 31e session du Conseil des droits de l’homme. Monsieur Purevsuren a dit que ce pays avait un engagement soutenu pour les droits humains depuis qu’on avait entamé le chemin de la démocratie 25 ans passés et depuis l’adoption de la première constitution en 1992. La Mongolie avait aboli la peine de mort lors de la révision du Code criminel. La définition de la torture dans le Code criminel révisé fut conforme à l’Article 1 de la Convention contre la Torture. De plus, le Code criminel révisé criminalise la violence domestique, la discrimination contre les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles, transgenres et inter-sexe, contre le travail forcé des enfants et la punition corporelle des enfants.
La Corée du Sud, de même, n’a pas pris la parole, mais elle a juste de noté qu’elle a aussi voté en faveur de la résolution de 2014; il semble donc y avoir un appui continu.
Une conclusion s’impose au sujet du vote favorable de l’Asie : c’est que la force du militantisme domestique a joué un rôle important pour influencer les priorités de la politique des affaires étrangères. Si la Corée du Sud, le Vietnam et la Mongolie ont voté Oui, le vote est le résultat d’une solide campagne sur les droits LGBT au niveau domestique.
L’insuccès de la rhétorique de pays développés vs pays en développement
Une partie de la rhétorique de ceux opposés à la résolution repose sur l’idée que la question en est une qui concerne le monde développé. Sur ce point, ce serait utile d’analyser le registre des votes.
Il importe de noter que l’appui le plus fort pour la résolution vint de l’Amérique latine, tous les huit pays votant en faveur. L’Europe de l’Ouest a aussi voté en bloc pour la résolution, soit sept pays. Dans l’Europe de l’Est aussi, exception faite de la Russie, tous les cinq autres pays ont voté en faveur. Dans l’Asie-Pacifique, bien que huit pays votèrent contre la résolution, la Mongolie, la Corée du Sud et le Vietnam votèrent pour. Il est significatif que les Philippines et l’Inde s’abstiennent. Du côté de l’Afrique, 9 membres ont voté contre, alors que le Botswana, le Ghana, la Namibie et l’Afrique du Sud choisirent de s’abstenir. La région clé dans le sud – Amérique latine – est presque uniformément en faveur, alors que l’Asie est une base émergeante d’appui solide, menée par l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud. Même en Afrique, il n’y a pas eu un vote négatif en bloc, avec quatre abstentions clés. Il importe aussi de noter que le bloc clé, l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ne fut pas entièrement uni dans son opposition à la résolution. L’Albanie s’est distanciée du consensus OCI et a voté en faveur. Le succès du vote indique que le mythe d’une opposition globale du sud aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre peut être enterré.
La passion caractérisant le vote Oui
Une façon importante de comprendre les politiques globales touche l’intérêt des États nationaux, notamment comment des questions peuvent être instrumentalisées par les États pour servir leur propre quête de pouvoir. Tout en utilisant ce cadre pour comprendre le vote Oui, il est important de comprendre l’émotion ou la passion qui sous-tend le Oui. Significativement, lorsque les votes furent tabulés sur écran et qu’il était clair que la résolution passait, il y eut une vague d’émotions à travers la salle alors que les délégués crièrent de joie et se donnèrent des accolades, échangeant des félicitations. D’où est venue cette profonde émotion ?
Deux instances spécifiques durant le débat captent une part de l’histoire de la passion sous-jacente au vote Oui. Le discours de l’ambassadeur du Royaume-Uni, Julian Braithwaite, a fait quelque chose de sans précédent en rappelant aux délégués que ceci n’était pas une question abstraite désincarnée, mais plutôt une affaire profondément personnelle touchant les gens dans la pièce XX du Palais des Nations.
En votant contre cette résolution, vous votez pour empêcher l’ONU d’essayer d’enrayer la violence et la discrimination. Comment cela est-il acceptable ? Cela touche les gens dans cette pièce et les personnes de mon équipe sont LGBT. Dites-vous que c’est OK de discriminer à leur endroit en raison de leur orientation sexuelle et identité de genre ? De les frapper, les torturer ou possiblement les tuer ? Parce c’est ce que vous appuyez si vous votez contre cette résolution.
La violence et la discrimination doivent cesser. Et l’ONU devrait pouvoir jouer son rôle pour prévenir la violence et la discrimination. Pour toutes ces raisons, le Royaume-Uni enjoint fortement tous les autres États à appuyer cette résolution. Je vous exhorte à vous souvenir des personnes qui dépendent de cette résolution – frères, sœurs, fils, filles, mères et pères.
L’émotion articulée par l’ambassadeur Julian Braithwaite a eu une plus grande résonance politique lorsque le Mexique, le Royaume-Uni et le Ghana ont invoqué la tuerie à Orlando.
Comme la noté le Mexique :
M. le Président, à l’ouverture de cette session du Conseil, des délégations de toutes les régions ont fortement condamné les récents meurtres à Orlando. Ces terribles attaques ont ciblé de gens en raison de leur orientation sexuelle et identité de genre. L’amendement proposé est contraire à la condamnation commune, prétendant que les droits humains de tels individus ne préoccupent plus ce Conseil.
Le Royaume-Uni a noté :
Ce Conseil s’ouvre dans l’ombre de la tuerie d’Orlando, où des individus furent ciblés en raison de leur orientation sexuelle et identité de genre, laissant 49 morts et 53 blessés. Des États de diverses régions se regroupent pour condamner les tueries. Si l’amendement éliminant « orientation sexuelle » et « identité de genre » de la liste des motifs selon lesquels la violence est déplorée devait passer, on enverrait un tragique message au sujet de la volonté du Conseil d’aborder sincèrement de tels actes de violence.
Le Ghana a noté :
Mais il y a eu évolution dans notre façon de penser – en partie à cause de la situation à Orlando et aussi à cause de la résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, que je viens de citer.
L’engagement du vote Oui a été nourri et attisé par l’expérience de discrimination et de violence des gens LGBT mise en exergue par Orlando. Orlando symbolise une histoire plus large, plus longe et plus profonde de la violence systématique vécue par les gens LGBT de par le globe. En résumé, cette passion issue de la base LGBT s’est exprimée dans le vote Oui et a eu son écho dans les discours de tous les pays supporteurs : Pays-Bas, Uruguay, Brésil, Slovénie, Vietnam, Mexique et Royaume-Uni.
Comprendre les abstentions
Les six abstentions furent : Afrique du Sud, Inde, Philippines, Botswana, Ghana et Namibie. L’Afrique du Sud et les Philippines sont passées du Oui en 2014 à une abstention en 2016. La Namibie et l’Inde s’abstinrent et en 2014 et en 2016; le Botswana est passé d’un Non en 2014 à une abstention en 2016. Le Ghana a voté Non en 2011 et a choisi de s’abstenir en 2016. Chacune de ces abstentions sera analysée en détails.
L’abstention de l’Afrique du Sud vue comme une régression
Un des votes clés qui mérite plus d’analyse est celui de l’Afrique du Sud. Il importe de rappeler que l’Afrique du Sud est le pays qui parraina la première résolution sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre au Conseil des droits de l’homme en 2011. Du parrainage de la résolution OSIG en 2011 au vote en faveur de la résolution suivante en 2014, l’Afrique du Sud est passée à une abstention en 2016. Qu’est-ce qui a motivé ce dramatique revirement ?
Le vote de l’Afrique du Sud peut mieux se comprendre en analysant la déclaration de l’ambassadrice de l’Afrique du Sud, Mad. Nozipho Mxakato-Diseko, qui mérite d’être pleinement citée :
Pour l’Afrique du Sud, le respect de la promotion, de la protection et de l’accomplissement des droits de l’homme et libertés fondamentales, tel qu’enchâssé dans notre Constitution, constitue le pilier critique de notre politique étrangère. Nous croyons que personne ne doit être sujet à la violence et à la discrimination pour quel que motif, y compris l’orientation sexuelle.
Guidée par cette conviction, l’Afrique du Sud a déposé la résolution originale sur l’OSIG et les questions LGBT en 2011. Notre approche au sujet de la protection contre la violence et la discrimination des gens LGBT était et reste axée sur les questions qui attireront le maximum d’unité dans ce Conseil et rallieront même des pays qui ont des défis à relever à ce sujet. La façon dont les parrains cherchèrent à bâtir à partir de l’initiative de l’Afrique du Sud en 2011 a ajouté de la division et créé une acrimonie non nécessaire au Conseil. Nous avons appris de nos luttes contre l’apartheid que si nous sommes clairs au sujet du but final – mettre fin à la violence et à la discrimination contre les gens LGBT –, une meilleure approche se bâtit dans un consensus maximum. Ceci aurait pu se produite, n’eût été l’approche arrogante et conflictuelle qui fut adoptée.
M. le Président, un proverbe africain dit « Si vous voulez marcher vite, alors marchez seul. Si vous voulez marcher loin, marchez avec les autres. »
L’Afrique du Sud demeure pleinement engagée à investir toutes ses ressources pour veiller à ce que la violence et la discrimination contre les gens LGBT soient éradiquées, laissant personne derrière. Être imprudent, montrer les autres du doigt et adopter la stratégie de la corde-raidenous amèneront nulle part. Des vies sont en jeu.
Bien qu’ayant appuyé les sections de la résolution axées sur l’élimination de la violence et de la discrimination contre les gens LGBT, c’est pour ces raisons que l’Afrique du Sud ne peut pas appuyer cette résolution telle que formulée et qu’elle s’abstiendra donc. Je vous remercie. (Nous soulignons.)
Les thèmes de l’allocution de Mad. Nozipho Mxakato-Diseko (la Constitution de l’Afrique du Sud, la lutte anti-apartheid, le besoin de dialogue) furent aussi le sujet de l’allocution précédente de l’ambassadeur JM Matija qui présenta la première résolution parrainée par l’Afrique du Sud sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre en 2011. Comme Mad. Nozipho Mxakato-Diseko, l’ambassadeur Matija a aussi invoqué la lutte anti-apartheid et la Constitution de l’Afrique du Sud afin de soutenir pourquoi l’Afrique du Sud parrainait la résolution OSIG.
L’Afrique du Sud croit que personne ne doit être sujet à la discrimination ou violence basées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Personne ne devrait craindre pour sa vie à cause de son orientation sexuelle ou identité de genre. Personne ne doit être privé de services à cause de l’orientation sexuelle et l’identité de genre. La résolution devant nous aujourd’hui ne cherche pas à imposer des valeurs aux États membres, mais vise à initier un dialogue qui contribuera à mettre fin à la discrimination et à la violence basées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. En Afrique du Sud, la non-discrimination basée sur l’orientation sexuelle est constitutionnellement garantie, mais nous avons encore des défis reliés aux actes de violence contres des individus en raison de leur orientation sexuelle et identité de genre.
Nous tous qui avons été engagés dans les luttes de libération, sans exception, avons puisé notre aspiration de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), dont les paragraphes du préambule ont claironné notre appel à la lutte pour la liberté. On y lit et je cite : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
Lorsque nous sommes emprisonnés, torturés et forcés en exil, nous recevons un appui moral, politique et matériel de toutes les sections de la société de par le monde. Nous n’avons jamais dit ne pas pouvoir accepter votre appui en raison de l’identité de genre. Nos migrants, réfugiés et ceux qui sont constamment et sévèrement affamés reçoivent une aide de tous et nous ne disons jamais que nous ne voulons pas votre support en raison de votre orientation sexuelle ou identité de genre. Lorsque nous cherchons un emploi, des investissements, un développement des capacités et de la technologie, nous ne disons jamais seulement de cette section de la société et pas de cette autre section de la société, selon l’identité de genre. (Nous soulignons.)
Bien que la lutte anti-apartheid soit invoquée par les deux orateurs, ils le font pour marteler des points de vue différents. Pour Mad. Mxakato-Diseko, la leçon tirée de la lutte anti-apartheid consiste à « mettre fin à la violence et à la discrimination contre les gens LGBT, une meilleure approche se bâtit dans un consensus maximum », sans être « arrogant et conflictuel ». Pour JM Matija, la lutte anti-apartheid fut celle qui a élargi la pensée sur les droits de l’homme et a enseigné que la discrimination contre quiconque pour quelque motif, y compris OSIG, est inacceptable.
Peut-être faut-il retourner à l’histoire de l’Afrique du Sud pour savoir si les deux interprétations sont également valides. Une des grandes contributions du mouvement anti-apartheid consiste à avoir permis de voir que la discrimination avait plusieurs facettes et qu’un authentique mouvement de libération s’engagerait à combattre les nombreuses formes de la discrimination. Dans cette perspective, la déclaration de JM Matija est conforme à l’histoire du mouvement de libération sud-africain; elle reconnaît implicitement et s’appuie sur la contribution historique de gens comme Simon Nkoli qui joua un rôle clé à la fois dans le mouvement anti-apartheid et le mouvement gay. Tel que Simon Nkoli le dit, « Je suis Noir et je duis gay. Je ne peux pas séparer les deux en luttes secondaire ou primaire. »[1]À l’intérieur de la vision de JM Matija, il n’y a pas de lutte primaire et secondaire, donc l’Afrique du Sud proposera la résolution sur la violence et la discrimination basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. C’est justement à cet inébranlable engagement envers la libération que Mad. Nozipho Mxakato-Diseko rend un mauvais service en sous-entendant que, lorsqu’il s’agit principalement d’assurer une vie sans violence et discrimination envers les gens LGBT, c’est correct que les notions de consensus aient précédence sur le besoin de combattre la violence et la discrimination. En mettant la lutte anti-apartheid au service d’un vote qui rend une grave injustice aux idéaux de la lutte, Mad. Nozipho Mxakato-Diseko déforme violemment la signification même de la lutte de libération.
La déclaration de Mad. Nozipho Mxakato-Diseko devrait être analysée dans le cadre esquissé par Orwell dans son œuvre classique 1984, où il décrit la création d’une nouvelle langue pour un État totalitaire. Dans l’État totalitaire d’Orwell, Novlangue remplace l’anglais qui est ensuite appelé Ancilangue. La caractéristique prédominante de Novlangue est que les mots commencent à perdre la spécificité qu’ils signifiaient et expriment alors le contraire. L’exemple qu’Orwell donne est la Déclaration de l’Indépendance qui commence ainsi : « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par leur Créateurs de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur… » En Novlangue, le seul mot qui peut capter ce sentiment est crimethink (le crime pense)[2].
L’invocation mal placée de Mad. Nozipho Mxakato-Diseko sur la lutte anti-apartheid cherche à vider la lutte de libération de son contenu subversif et à le remplacer par la notion fade de consensus. Aujourd’hui, la lutte anti-apartheid est utilisée pour justifier le non-agir, pour rectifier la violence et la discrimination; demain, selon le cauchemar final d’Orwell, elle sera utilisée pour justifier la violence et la discrimination.
De plus, il y a des problèmes semblables à invoquer, dans la Constitution sud-africaine, l’engagement envers la non-discrimination basée sur l’orientation sexuelle lors d’un vote sur la violence et la discrimination en raison de l’OSIG. La déclaration de 2011 par l’ambassadeur Matija attirait spécifiquement l’attention au fait que « la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle est constitutionnellement garantie ».
En 2014, lors d’une explication après le vote, l’Afrique du Sud appuya de nouveau son vote sur la Constitution :
Personne ne devrait craindre pour sa sécurité ou être privé de sa dignité en raison de son orientation sexuelle ou identité de genre. Lors de d’autres forums multilatéraux, l’Afrique du Sud avait appuyé ce genre de résolutions. Guidé par le principe de suprématie de sa Constitution et par la règle de droit, le gouvernement fut enjoint de promouvoir et respecter les droits de toutes les personnes sans discrimination.
En 2016, la même constitution fut invoquée pour appuyer une abstention. Il est clair que la Constitution ne peut pas être invoquée à la fois pour appuyer une résolution OSIG en 2011 et 2014, puis pour s’abstenir lors d’une résolution OSIG en 2016. Si elle est ainsi invoquée, une des personnes qui le fait porte violence au langage simple de la Constitution qui enchâsse un engagement fondamental à la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. En fait, le vote de 2016 a abdiqué toute responsabilité constitutionnelle et a évité la fidélité à la Constitution au nom de la Constitution.
Une universitaire sud-africaine, Melanie Judge, écrit :
Les principes de droits et de justice dans la Constitution dictent comment les leaders peuvent gouverner, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières. En conséquence, toutes positions rétrogressives et contradictoires envers l’orientation sexuelle et l’identité de genre doivent être redevables. Les leaders qui déterminent l’allure et le contenu des politiques de sexe et de genre dans des façons qui sapent les droits constitutionnels et les protections sont, dans les mots de Mxakato-Diseko elle-même, coupables d’arrogance et d’imprudence.[3]
Ghana, Botswana et Namibie : des abstentions de progrès
Les abstentions du Botswana, du Ghana et de la Namibie doivent être vues plus positivement que pour l’Afrique du Sud. C’est pour la simple raison qu’aucun de ces pays n’a un cadre constitutionnel ou politique qui appuie de façon non équivoque les questions OSIG. Il était intéressant de noter que, en dépit de ne pas avoir des dispositions constitutionnelles spécifiques sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ces trois pays ont tous fait référence au cadre des droits humains universels comme interdisant la discrimination de façon constitutionnelle.
Le Botswana a noté :
La Constitution du Botswana ne ferme pas les yeux sur la violence contre quiconque, elle ne permet pas non plus la discrimination contre quiconque.
La Namibie a noté :
Le gouvernement de la Namibie est opposé à toute violence contre des individus sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. De façon répétitive, nous avons dit que de tels actes sont prohibés et punis par nos lois criminelles domestiques; il n’y a pas un seul cas rapporté aux autorités, alléguant une persécution des personnes LGBT en Namibie.
L’article 10 de la Constitution de la Namibie stipule :
Toutes les personnes seront égales devant la loi et aucune personne ne pourra être discriminée sur la base du sexe, de la race, de la couleur, de l’origine ethnique, de la religion, de la religion ou du statut économique.
Le Ghana a noté :
En 2014, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a tenu sa 55e session ordinaire à Luanda (Angola) et a adopté la résolution no 275 intitulée « Résolution sur la protection contre la violence et d’autres violations des droits humains contre des personnes sur la base de leur actuelles ou présumées orientation sexuelle et identité de genre ».
Cette résolution fut adoptée dans le contexte de ce que la Commission avait qualifié d’incidents alarmants d’actes de violence, discrimination et autres violations de droits humains qui continuent d’être commis partout en Afrique contre des gens en raison de leur actuelle ou présumée orientation sexuelle ou identité de genre. La résolution s’est aussi dite profondément préoccupée par l’échec des agences d’application de la loi pour diligemment examiner et poursuivre les auteurs de violence et d’autres violations de droits de l’homme contre des personnes sur la base de leur actuelles ou présumées orientation sexuelle et identité de genre.
M. Le Président, nous nous réunissons maintenant dans le contexte de ce qui est arrivé à Orlando. La Constitution du Ghana interdit toutes les formes de discrimination. La résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est donc conforme à notre Constitution.
Les lois du Ghana ne permettront pas à quelque individu d’être persécuté ou assailli en raison de son orientation sexuelle. Les trois pays ont donc tous fait référence à un cadre constitutionnel de droits universels. Le Ghana a fait un pas de plus et a aussi fait référence à la Résolution sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, de même qu’à la tuerie d’Orlando.
Comme l’a dit le Ghana :
M. le Président, en 2011 le Ghana a voté contre la résolution à laquelle fait référence le paragraphe du préambule. Mais la façon de penser a évolué – en partie à cause de la situation à Orlando et aussi à cause de la résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, que je viens juste de citer.
Cependant, les trois pays ont tous cherché un équilibre entre le cadre des droits de l’homme universels et le soi-disant manque de consensus sur la notion d’orientation sexuelle et d’identité de genre.
Comme l’a dit le Botswana :
Il faut noter, cependant, qu’au niveau international et à l’intérieur de la loi internationale, il n’y a pas consensus sur l’utilisation de la terminologie concernant l’orientation sexuelle et l’identité de genre, tel que discuté sous la résolution actuelle. En fait, il s’agit d’un concept encore en évolution même au niveau international. La raison pour laquelle nous nous abstenons à ce moment-ci prend en considération l’importance fondamentale de respecter les débats régionaux pertinents, et ce, dans le contexte des sensitivités historique, culturelle, sociale et religieuse.
La Namibie a fait remarquer :
Nous sommes devant une lacune légale puisqu’il n’y a aucun instrument international obligatoire nous guidant en matière de la loi internationale sur les droits de l’homme, qui nous fournit une définition agréée de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. La même lacune existe en ce qui a trait à un instrument qui établit des droits basés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. En l’absence d’une loi internationale sur les droits de l’homme qui guide notre travail au Conseil, quel instrument guidera l’Expert indépendant dans l’évaluation de nos États ? Nous sommes préoccupés par le fait que la résolution cherche à établir un mandat pour l’Expert indépendant, car ce mandat pourra s’immiscer dans des questions sensibles au niveau national.
Le Ghana a fait écho aux préoccupations concernant la sensitivité culturelle :
Mais, M. le Président, ceci est une question culturelle très sensible au Ghana. Les attitudes se sont campées à cause du comportement de certains groupes dans la communauté homosexuelle. Le cas de la République du Ghana vs Dr Sulley Ali-Gabass met en scène un médecin pratiquant à un de nos grands hôpitaux, qui a attaché un garçon non majeur de 16 ans et l’a forcé à avoir du sexe anal dans une voiture. La victime a reçu un diagnostic de VIH. Le garçon a été séduit par un coûteux téléphone intelligent Samsung Galaxy et un peu d’argent comptant. La pauvreté de la victime a été exploitée par cet homme. Il a plaidé non coupable, mais un journaliste d’enquête qui est allé l’interroger en secret a enregistré sa confession. Il a donc été arrêté et condamné à plusieurs années de prison. Ceci durcit les attitudes vis-à-vis des questions comme le mariage de même sexe et la commercialisation de l’homosexualité.
Les trois pays l’ont tous décrit, le conflit entre ces deux positions a conduit à une abstention. Il est remarquable que les trois pays aient tous choisi de faire référence au cadre constitutionnel, mais ni le Ghana, ni le Botswana, ni la Namibie n’ont choisi de faire référence à leur loi criminelle qui rend les relations de même sexe illégales dans les trois pays.[4] La position correcte voudrait que ce soit la Constitution et non le code pénal qui détermine la politique internationale d’un État. N’importe quelle façon que l’on examine la situation, le vote était courageux, tant pour avoir martelé les positions de leurs pays comme étant contre la discrimination et la violence basées sur l’OSIG que pour avoir rompu avec la position du groupe africain qui est pionnier dans l’affirmant de plus de droits.
L’abstention de l’Inde : faire du sur place ?
L’abstention de l’Inde est plus difficile à expliquer, car contrairement aux autres positions des États analysées jusqu’à maintenant, l’Inde n’a pas expliqué son vote. Donc, pour comprendre l’abstention de l’Inde, il faut s’appuyer sur d’éventuelles déclarations domestiques concernant le vote.
Voici une transcription de la réponse de Vikas Swarup, porte-parole officielle du ministère des Affaires extérieures, à une question sur le vote de l’Inde :
Question : Pourquois’ être abstenu au Conseil des droits de l’homme sur la nomination d’un chien de garde indépendant sur la protection des droits LGBT ? Est-ce que cela reflète mal sur nous comme une démocratie libérale intéressée par l’assurance des droits de l’homme de la communauté LGBT ?
Porte-parole officielle, Shri Vikas Swarup : Comme vous le savez, le dossier des droits LGBT en Inde est une question à l’étude par la Cour suprême sous un lot de pétitions curatives déposées par diverses institutions et organisations. Comme vous le savez aussi, la Cour suprême doit encore se prononcer sur cette question. Comme tel, nous avons dû tenir compte de ça lors de notre vote sur la troisième résolution de l’ONU pour institutionnaliser le bureau d’un expert indépendant chargé de prévenir la discrimination contre les gens LGBT.[5]
La raison donnée pour l’abstention, i.e. la question est devant la Cour suprême, ne semble pas fondée sur une interprétation correcte de la position légale. Dans Suresh Kumar Koushal v. Naz Foundation, la Cour suprême n’a pas maintenu la Section 377 du Code pénal indien; ce faisant, elle a clairement déclaré que :
Nonobstant ce verdict, la législature compétente sera libre de considérer la désirabilité et la convenance de supprimer la Section 377 CPI des statuts ou de la modifier selon la suggestion faite par le Procureur Général.[6]
Dans une décision sans précédent, la Cour suprême a activé un mécanisme auto-correctif peu utilisé connu comme le remède curatif et a ordonné que la décision de la Cour suprême dans Koushal soit réentendue devant un tribunal de cinq juges.
Il faut aussi noter que la Cour suprême avait rendu un autre jugement qui maintenait les droits de la communauté transgenre à l’égalité, la dignité et l’expression. [7]
Toutes ces raisons, qui indiquent que la Cour a fait des progrès pour reconnaître les citoyens LGBT à part entière, aurait dû encourager le gouvernement à agir. Le parallèle avec les déclarations du Ghana, de Botswana et de la Namibie, lors de leur abstention sur la résolution OSIG, ne peut pas être plus frappant. Ces trois pays ont invoqué leurs cadres constitutionnels respectifs pour affirmer que, peu importe leur disposition de code criminel, ils ne discriminent pas sur la base de l’OSIG. L’Inde a plutôt choisi de souligner l’article 377 de son code pénal, au lieu de tirer une position politique basée sur la Constitution.
Tout en s’abstenant sur la résolution dans son ensemble, l’Inde a aussi voté en faveur des amendements hostiles. Deux d’entre eux sont particulièrement troublant au sujet de la fidélité du gouvernement à la Constitution.
Amendement L.75 dit : Réaffirmant l’importance de respecter les particularismes et les systèmes de valeurs régionaux, culturels et religieux lors de l’examen des questions relatives aux droits de l’homme, alors que
Amendement L.76 dit : Soulignant combien il est essentiel de respecter les débats qui se tiennent au niveau national sur des questions liées à des sensibilités historiques, culturelles, sociales et religieuses.
Ces amendements cherchent à défaire le consensus international voulant que la sensitivité culturelle doive toujours céder au devoir de tous les États de protéger les droits humains universel enchâssée dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne. Cette déférence aux systèmes de valeurs culturelles et religieuses est très troublante dans le contexte indien puisqu’elle renforce les pratiques castéistes et la discrimination de genre, sans mentionner la discrimination basée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Une déférence disqualifiée aux systèmes de valeurs culturelles et religieuses est aussi antithétique au cadre constitutionnel indien.
La clause de la liberté de la religion dans la constitution (Article 24) est spécifiquement sujette aux limitations imposées par les autres droits fondamentaux. C’est parce que la constitution accommode les préoccupations des femmes membres de l’Assemblée constituante, telle que Hansa Mehta, qui expliqua comment la liberté de religion pouvait bien devenir la tyrannie de la religion, surtout pour les femmes.
De même, la pratique de l’intouchabilité est au cœur une pratique culturelle appuyée par un système de valeur religieux. Cette pratique fut déclarée un crime constitutionnel sous l’article 17.[8]Ce que la criminalisation de la pratique de l’intouchabilité indique, c’est que la Constitution indienne n’est pas un appuyeur passif de la culture et de la tradition. La Constitution interdit plutôt les pratiques culturelles qui violent les droits fondamentaux.
Lorsque l’Inde vote en faveur de ces amendements, cela montre un manque de respect pour la Constitution et ses valeurs.[9]
D’une autre perspective, l’abstention de l’Inde peut être vue à tout le moins comme moins régressive que sa position précédente. En 2015, sous l’administration courante de Modi, l’Inde a rejoint la Russie, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, la Chine et l’Iran pour voter contre l’extension des bénéfices de partenaire de même sexe aux employés des Nations Unies. Si ce vote est pris comme point de référence, l’Inde est passée d’un « non » à une « abstention ».
Ce changement peut s’expliquer par le fait que l’Inde ne voulait pas une forte réponse négative au niveau domestique; donc, en dépit d’avoir une sympathie envers la position de ceux qui s’opposaient à la résolution, l’Inde décida de suivre une route sécuritaire sans appuyer quelques amendements hostiles et de s’abstenir sur l’ensemble de la résolution. Le fait que la position globale du gouvernement indien est passée d’un vote négatif en 2015 à une abstention en 2016 est attribuable à la forte publicité négative du vote négatif en 2015 et au désir de l’administration indienne courante d’éviter pareille situation. C’est aussi un tribut indirect à la force de la compagne nationale pour décriminaliser le vécu LGBT, montée vigoureusement par des groupes LGBT, de concert avec les média, la société civile et académique.
L’abstention des Philippines : un pas en arrière
Les Philippines avaient voté pour la résolution OSIG en 2014, alors l’abstention en 2016 fut un pas en arrière. Les Philippines ont noté :
Deux ans passés, les Philippines appuyèrent la résolution sur Les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre (OSIG). À ce moment-là, le but de la résolution OSIG était de discuter de discrimination et de violence contre des gens sur la base de l’OSIG… Nous avons appuyé cette résolution dans le contexte de l’engagement fort des Philippines à promouvoir et à protéger les droits humains de toute personne, sans égard à la race, la couleur, le sexe, le genre, la religion et d’autres statuts conformes à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux ententes régionales sur les droits de l’homme auxquelles les Philippines sont partie prenante. C’est en poursuivant cet engagement que les Philippines se sont élevées contre la discrimination envers des individus spécifiques, sur la base de leur orientation sexuelle et identité de genre, tels que ceux appartenant au secteur LGBT.
Nous avons aussi appuyé la résolution précédente en comprenant clairement qu’elle ne créait pas ni ne conduisait à la création de nouveaux droits humains spécifiques aux LGBT et aux autres individus ayant une orientation sexuelle et une identité de genre spécifiques, puisque cela est contraire à l’universalité des droits de l’homme. Plus important que tout, nous avons compris que la résolution précédente n’aliénerait pas les droits souverains des États à formuler et définir leurs propres lois.
Aujourd’hui, nous exprimons le même engagement, la même compréhension. Cependant, ma délégation n’est pas prête à appuyer spécifiquement la création d’un mandataire quand le titulaire, par sa nature, vise des standards de droits de l’homme qui ne font pas l’objet d’un consensus. C’est pour cette raison, M. le Président que ma délégation a voté en faveur de la portion de la résolution qui consistait à combattre la violence et la discrimination contre les LGBT. Nous avons voté contre L.75 parce que cela cherche à changer l’essence et le message de l’Article 1.5 de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, qui se lit en partie comme suit :
Bien que la signification des particularités nationales et régionales, ainsi que divers fonds historiques, culturels et religieux doivent être gardés à l’esprit, c’est le devoir des États, sans égard à leurs systèmes politique, économique et culturel, de promouvoir et protéger tous les droits de l’homme et libertés fondamentales.
M. le Président, nous nous abstenons sur ce vote visant à créer un nouveau mandataire et nous nous abstiendrons sur la résolution dans son ensemble.
L’abstention des Philippines (PH) a suscité un choc chez les groupes de la société civile qui avaient milité pour que PH suivent son vote précédent et votent en faveur de la résolution. Le vote sur la résolution a eu lieu le même jour que l’inauguration du nouveau président philippin, Rodrigo Duterte. Cependant, ceci n’a vraisemblablement pas influencé le vote, le facteur le plus significatif étant le livre blanc émis en 2011 par le ministère des Affaires étrangères.
Le livre blanc argue que « les Philippines ont toujours été tolérantes et respectueuses de la communauté LGBT/OSIG », le respect et la tolérance étant « fermement ancrés dans l’article de protection égale de la Constitution de 1987 ». Le livre blanc note cependant que « présentement il n’y a pas de loi domestique qui veille à maintenir et à respecter ces droits. Plus spécifiquement, il y a l’absence d’une législation PH qui:
(i) reconnaît et règlemente le mariage de même sexe et les partenariats civils entre personnes de même sexe; et (ii) règlemente les effets de changements dans le statut légal d’une personne, qui peut être survenu suite à une réassignation de sexe ».
Combiné à ce manque perçu de conseils clairs ou de mandat domestique, le livre blanc a aussi articulé les implications si les Philippines prenaient une position d’appui plus proactive en matière d’OSIG au niveau international. La poursuite consistante de PH en matière d’OSIG dans chaque session du CSW sans une résolution claire sur ces questions crée l’impression que cela fait partie de la politique étrangère du pays, ce qui influe sur nos relations avec des États spécifiques et des partenaires régionaux comme COI et le Saint-Siège.[10]
Le livre blanc a aussi mis de l’avant des préoccupations domestiques :
Il faut noter que l’Église catholique et la communauté musulmane aux Philippines, qui influencent de façon réelle la formulation de la politique PH, peuvent inciter à plus de controverse, ce qui créera un processus difficile pour en arriver à un consensus sur cette question. [11]
Ce livre blanc, qui fut signé après le Oui des Philippines à la résolution OSIG en 2014, était remarquable par son silence sur son analyse du vote en 2014. Cependant, si on lit entre les lignes, on peut déduire qu’il y avait une poussée significative en arrière, tant au niveau domestique qu’en termes de relations avec des États amicaux qui veillèrent à ce que l’appui des Philippines à des questions OSIG globalement ne soit plus faisable.
Comme l’a conclu le livre blanc :
Il est recommandé que PH adopte pour le moment une politique de « silence stratégique » jusqu’au moment où le pays passe une loi qui couvre de façon compréhensive les droits LGBT/OSIG, ce qui pourrait alors servir de cadre conceptuel pour tout changement dans la politique recommandée.
Il faudra voir si la position de « silence stratégique » articulée dans le livre blanc changera sous l’administration du Président Duterte, au moment où des groupes LGBT philippins travaillent pour veiller à ce que les droits LGBT fassent partie de la politique nationale et internationale des Philippines.
Comprendre le vote Non
Il y a eu 18 pays qui ont voté contre la résolution : 9 de l’Afrique, 8 de l’Asie et 1 de l’Europe de l’Est. L’unité de l’opposition a gravité autour du Groupe africain et de l’OCI, avec l’appui de la Russie et de la Chine.
Le leadership de l’OCI
Il y a eu 18 pays qui ont voté contre la résolution, dont 10 appartenant à l’OCI, Exception faite de l’Albanie, les neuf autres membres de l’OCI (Algérie, Maroc, Bangladesh, Indonésie, Maldives, Arabie Saoudite, Nigeria, Émirats arabes unis et Qatar) ont voté contre la résolution.
Ainsi, le lieu clé d’opposition organisée était vraiment l’OIC. Tous les pays de l’OCI qui ont pris la parole ont souligné le fait que, selon leur perception, la résolution s’opposait à la religion, à la culture et aux traditions, et était donc une imposition inacceptable de valeurs.
Le Qatar a noté :
C’est pourquoi les droits revendiqués par cette ébauche de résolution au Conseil des droits de l’homme sont, selon nous, contraires à l’instinct humain et aux anciennes valeurs, cultures et croyances religieuses. Une telle approche sélective est un geste sans précédent qui menacerait tous les efforts du Conseil des droits de l’homme.
Nous savons qu’il y a des pratiques qui peuvent être acceptées par certaines personnes dans certaines communautés et sociétés. Cependant, cela ne veut pas du tout dire que de telles pratiques peuvent être imposées à d’autres pays. Et elles ne devraient pas être décrites comme collectivement acceptables et endossées. Cela pourrait tracer la voie à l’insertion de nouveaux concepts qui sont non pertinents aux principes des droits de l’homme; c’est pourquoi nous devons reconnaître les spécificités de nos contextes culturel et religieux, selon le Plan d’action de Vienne (1993).
Les Émirats arabes unis ont noté :
Nous rejetons l’instrumentalisation de Nations Unies/Droits de l’homme et le recours au Conseil des droits de l’homme à des fins de concepts étranges et bizarres qui sont contraires à la résolution des Nations Unies créant le Conseil. Je voudrais clarifier que nous sommes une société qui rejette la violence et la discrimination sous toutes ses formes et manifestations. Nous ne voulons pas ciblé un groupe social spécifique couvert dans l’ébauche de la résolution L.2. D’autre part, nous comme peuple qui n’a rien à voir avec le contenu de l’ébauche exprimons notre rejet de tout concept qui compromet nos spécificités culturelles et religieuses – même si ces concepts sont acceptables pour d’autres pays. En plus de ça, la littérature du droit comparé et celle de la sociologie affirment que ce qui peut être bon dans une région spécifique ne donnera pas nécessairement le même résultat dans une autre société ou région.
L’Arabie saoudite a noté :
Nous souhaitons dire une fois de plus que le respect des religions et croyances a été considéré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et l’universalité des droits de l’homme ne veut pas dire que nous devons imposer des cultures qui contreviennent à notre religion musulmane.
L’Indonésie a noté :
Tout en reconnaissant le mandat du Conseil des droits de l’homme de promouvoir et protéger les droits de l’homme, nous croyons que le Conseil devrait toujours prendre une approche constructive et coopérative dans la considération de questions, particulièrement celles touchant différentes normes socio-culturelles et religieuses et des moralités. Nous croyons que les membres du Conseil devraient toujours démontrer la sensitivité requise et éviter d’imposer aux autres certaines valeurs et normes qui ne jouissent pas d’un consensus international.
Le Maroc a noté :
Aujourd’hui, nous sommes devant l’ébauche d’une résolution qui va à l’encontre des valeurs et croyances d’au moins l,5 milliard de personnes qui appartiennent à une civilisation. Alors, quel est le message que nous souhaitons envoyer à cette civilisation et communauté religieuse ?
L’Algérie a noté :
Nous pensons qu’il n’est pas utile d’imposer aux autres des valeurs qui ne sont pas reconnues universellement. Ceci est une approche qui n’est pas constructive et qui conduira à des divisions autour de la cause du Conseil, ce que nous ne voulons pas, L’orientation sexuelle est à peine une option et un comportement, nous ne voulons pas un mandataire juste pour cette question.
L’opposition de l’OCI fut pas mal organisée et découla de ses décisions de politiques. Ceci fut esquissé par le Pakistan dans le discours présentant les amendements.
Lors de la 42e session du conseil au Koweït, les ministres des Affaires étrangères de l’OCI ont adopté une résolution référant à la résolution du Conseil des droits de l’homme sur les droits humains, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et exprimant leur opposition à cette résolution et au concept qu’elle épousait. Nous avons donc informé le groupe clé de l’ébauche de la résolution que nous ne pourrions pas appuyer un Expert indépendant pour un concept qui n’a pas encore été adopté par une convention ou un traité universel négocié au niveau intergouvernemental.
La Résolution à laquelle réfère le Pakistan est la Résolution no 4/42c sur Questions sociales et familiales, A. Sauvegarder les valeurs du mariage et des institutions de la famille :
Ayant considéré la Déclaration de la Commission permanente et indépendante des droits de l’homme, et la résolution du Conseil des droits de l’homme A/CDH/27/L.27/ Rev.1 sur « Droits de l’homme, orientation sexuelle et identité de genre »;
Saluant la décision prise par le Conseil de la Ligue des États arabes au niveau ministériel, qui rejette cette Résolution;
Louant la position des États musulmans et non musulmans qui se sont opposés à la Résolution au sein du Conseil de droits de l’homme;
Considérant que la Résolution inclut plusieurs questions qui ne peuvent pas être acceptées puisqu’elles sont en contradiction totale avec les enseignements et valeurs de l’Islam et d’autres religions divines, et avec le bon sens humain; Décide de :
Rejeter le contenu complet de la Résolution du CDH et d’essayer de prendre une position islamique et humaine unifiée pour l’abroger.[12]
La décision de politique de l’OCI fut prise après la résolution de 2014. La résolution OCI voit la question OSIG comme « totalement en contradiction avec les valeurs et les enseignements de l’Islam ». La résolution affirme aussi l’engagement des pays de l’OCI de « rejeter » la résolution de 2014. Nous devons donc voir le vote OIC et le lobbying de l’OIC pour prévenir les pays de voter en faveur de la résolution comme un suivi à la politique articulée dans la Résolution no 4/42c sur les Questions sociales et familiales à l’OCI.
Cependant, en dépit de cette déclaration claire de politique, il est important de noter que l’OIC n’a pas réussi à veiller à ce que tous les membres de l’OIC votent contre la résolution. L’Albanie, qui est membre de l’OCI depuis 1992, a voté en faveur de la résolution.
L’Albanie a dit :
L’Albanie appuie pleinement l’ébauche de résolution L.2/Rev.1 qui s’érige à partir des résolutions précédentes de 2011 et 2014, lesquelles abordaient cette discrimination et cette violence contre les gens en raison de leur orientation sexuelle et identité de genre. Le but de cette ébauche est de nommer un Expert indépendant qui travaillera sur la protection contre la discrimination et la violence basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre; l’état actuel de la résolution ne vise pas à créer de nouveaux droits, mais affirme simplement l’application de standards existants de droits humains à ceux qui sont abusés et discriminés en raison de qui ils sont.
L’Albanie a choisi de ne pas relever les arguments de l’OCI de front, mais plutôt d’articuler sa position en votant pour la résolution OSIG, conformément à son appui aux droits de l’homme universels. La position de l’Albanie n’est peut-être pas significative en termes de chiffres, mais très importante en termes idéologiques. L’Albanie articule le fait que l’opposition aux questions SOGI n’est pas un principe central de l’Islam, que la violence et la discrimination basées sur l’OSIG doivent être prises sérieusement et que tous les pays devraient suivre le cadre des droits de l’homme universels.
Le Groupe africain
Par contraste, le Groupe africain était plus divisé avec huit pays votant contre et quatre abstentions. En 2016, même sans le leadership de l’Afrique du Sud, il y eut quatre abstentions sur la résolution de la région africaine. Aucun État africain non membre de l’OCI n’a choisi d’expliquer son vote Non. Le silence relatif des États africains hors de l’OCI pourrait possiblement indiquer un plus grand espace pour exprimer des changements de points de vue sans force de levier. Le leadership d’un État – l’Afrique du Sud – aurait pu agir comme levier pour attirer d’autres pays africains hors de l’OCI à au moins s’abstenir. Cependant, il est évident que l’Afrique du Sud n’était pas à l’aise avec la résolution de 2016 et n’a rien fait pour en assurer le succès. Donc, en 2014, avec le leadership sud-africain, le Congo et Sierra Leone s’abstinrent. En 2016, même sans le leadership sud-africain, le Ghana, la Namibie et le Botswana s’abstinrent. Ceci ne fait que nous signaler les possibilités qui ne furent pas utilisées en 2016.
Ce manque de leadership de l’Afrique du Sud a eu le malheureux impact d’amplifier la voix les plus homophobes sur le continent africain lors du vote. Le Nigeria a joué ce rôle à perfection. Comme le Nigeria l’a noté :
Le Nigeria a légiféré contre les LGBT. Le Nigeria s’y est opposé dans ce Conseil en 2011. Le Nigeria n’a aucun ressentiment à l’égard des États qui pratiquent des attitudes de même sexe et ainsi de suite. Tout ce que le Nigeria dit, c’est que ses lois ne l’acceptent pas, et je pense qu’il en va de même pour un certain nombre de pays qui ont fait des déclarations pour réfuter cette résolution. La vaste majorité des nations n’a pas accepté les droits LGBT. Dans un monde où la population dépasse 7,4 milliards, comment pouvons-nous dire que le concept des droits humains LGBT est correct lorsqu’une petite fraction de gens s’identifie comme LGBT. Mon gouvernement et d’autres gouvernements s’objectent sérieusement à toute tentative de considérer les droits LGBT comme des droits de l’homme. Et nous avons légiférer contre les LGBT parce que cela offense la culture, la religion et les lois naturelles.
Nous rejetons la prétention qu’un vote contre cette résolution est une invitation à la violence. Nous disons « Non, non, non ! » L’opposition à cette résolution vise à assurer la sainteté des autres droits, tels que les droits aux croyances religieuses, à la culture et à la suprématie des lois naturelles. Certains comportements non naturels qui constituent une menace aux lois naturelles doivent être abolis; autrement, les concepts du mariage et de la famille tomberont en morceaux.
L’appui de la Russie et de la Chine
Le regroupement clé de l’OCI et du Groupe africain fut en plus soutenu dans son support par la Russie et la Chine. La Russie a dit :
La Russie croit que l’orientation sexuelle est un élément de vie privée d’individus pris séparément et ne peut pas interférer en cette matière. C’est un choix très personnel autour d’un modèle de relation particulière et ne conduit pas au besoin de créer des conditions spécifiques pour la mise en œuvre d’un tel choix – un système particulier de protection pour ceux qui optent pour ce choix particulier. Pour la Russie, les droits de l’homme s’étendent à tous les secteurs sous sa juridiction : femmes, personnes âgées ou handicapées, homosexuels, enseignants, astronautes, jeunes et représentants des minorités nationales et religieuses.
Et ce que nous voyons aujourd’hui, monsieur, c’est un petit groupe de pays – où il semble y avoir un niveau de vies privées extrêmement approximatif –qui suggère que nous créions un régime légal séparé de protection pour ceux qui choisissent un certain modèle de relations personnelles.
Nous ne commenterons pas la question à savoir si ce choix est un choix naturel. Nous noterons simplement que le développement humain s’est fait pendant des milliers d’années par ceux qui n’avaient pas ce genre de choix.
La création d’un Expert indépendant par le Conseil pour une question privée nous semble une façon d’imposer des modèles spécifique de comportement et nous sommes contre une telle approche qui faciliterait tout simplement une plus grande politisation; nous avons déjà eu cette discussion et nous regrettons que les auteurs de cette initiative aient pris la décision de transformer des discussions équitables entre gouvernement en une victimisation d’un intérêt personnel, tout en cherchant à empêcher les autres d’exprimer leurs vues.
En conclusion, Monsieur, tenant compte de ce qui précède, la Fédération russe votera contre la résolution créant ce poste d’Expert indépendant sur des questions de discrimination basée sur l’orientation sexuelle et ne collaborera pas avec cet expert s’il est établi.
Expliquant son vote après le fait, la Chine a souligné l’importance de respecter les différents systèmes culturel et juridique, et a insisté sur le besoin d’aborder les questions de droits de l’homme dans un dialogue constructif, plutôt que d’imposer des points de vue aux autres. De plus, le Conseil fait face à des contraintes financière; la Chine s’oppose donc à la création de nouveaux mandats.
Il est possible que l’opposition russe et chinoise à la résolution ne soit pas reliée à l’opposition des pays de l’OCI (i.e. contre la religion et la culture). L’opposition devrait plutôt être vue comme une opposition plus large à la norme des droits de l’homme universels. Et la Russie et la Chine sont des puissants partisans d’une vision étatique/centrale du droit international, avec peu d’espace pour la notion des droits de l’homme. Ainsi, l’opposition à ce que la Russie appelle modèles de comportement est en effet une opposition à l’idée de droits individuels. Dans son invocation pour respecter les systèmes culturel et juridique, la Chine cherche à placer la souveraineté d’État sur un piédestal plus haut que celui des droits humains individuels.
Une plus large opposition au cadre des droits de l’homme universels
Le vote Non fut étayé par l’hostilité soutenue envers l’idée même de droits de l’homme universels. En fait, le thème sous-jacent à plusieurs amendements hostiles était l’opposition à l’universalité des droits de l’homme.
Comme l’a dit le Pakistan :
Les amendements de L.73 à L.79 s’inspirent de la décision prise par l’OCI, de même que par les chefs d’État africains et les gouvernements lors du sommet à Kampala sur la promotion de la coopération, du dialogue et du respect de la diversité dans le domaine des droits de l’homme.
Les décisions de l’OCI auxquelles le Pakistan réfère sont étalées dans la Résolution no 1/42-leg sur Suivi et coordination de l’action dans le domaine des droits de l’homme :
- Affirme que les droits de l’homme ont un caractère universel et doivent être perçus dans le cadre d’un processus dynamique non étatique pour l’évolution de standards internationaux en tenant dûment compte des spécificités nationales et régionales, et des contextes historique, culturel et religieux.
- Souligne le besoin pour la communauté internationale d’aborder la question des droits de l’homme objectivement et dans la perspective que ces droits sont indivisibles et inclusifs de tous les états sur une base non sélective et non discriminatoire.
- Demande que les droits de l’homme soient perçus de manière compréhensive et selon tous leurs aspects religieux, politique, social, économique et culturel, dans un cadre de coopération internationale et de solidarité.
- Réaffirme le droit des États de maintenir leurs spécificités religieuses, sociales et culturelles qui représentent des héritages et soutiens intellectuels qui, en retour, contribuent à enrichir les concepts mondiaux de droits humains.
- Enjoint tout le monde à ne pas utiliser l’universalité des droits de l’homme comme prétexte pour interférer dans les affaires internes d’autres États et enfreindre sur leur souveraineté.
- Rappelle le droit des États d’exprimer, au besoin, leur réserve concernant les ententes, convention ou traités internationaux auxquels ils adhèrent, dans la mesure où un tel droit forme un droit de souveraineté.[13]
Les points 1 à 6 de la résolution établissent un cadre qui dépasse de loin la résolution OSIG. Il est clair que l’objectif de l’OCI est de diluer le cadre des droits de l’homme universels en insistant que les droits doivent être perçus de manière compréhensive, en demandant que les droits soient compris selon leur « aspects religieux, politique, social, économique et culturel », et en insistant que les droits doivent être compris « dans un cadre de coopération internationale et de solidarité ».Le « droit des États » de « maintenir leurs spécificités religieuses, sociales et culturelles » est réaffirmé. Les États sont enjoints à ne pas utiliser « l’universalité des droits de l’homme comme prétexte pour interférer dans les affaires internes d’autres États ».
Préfacer / taxer les « droits de l’homme » de compréhensifs et insister sur la contextualisation des droits dans des cadres religieux et culturel sont une tentative manifeste de diluer la protection de la loi internationale sur les droits de l’homme. L’autre manœuvre dans le texte consiste à changer l’axe des droits de l’homme qui investit dans la personne pour un axe qui investit dans les États. Les droits des États à affirmer leurs spécificités religieuse et culturelle sont présentés comme une norme supérieure à celles des droits de l’homme.
La question à se poser est la suivante : ce que nous voyons est-il une tentative de supplanter le cadre actuel de la loi internationale sur les droits de l’homme ? Les stratégies pour y arriver sont diverses. Un premier aspect consiste à mal citer, mal appliquer et mal interpréter la loi actuelle sur les droits de l’homme. Les amendements hostiles sont un cas classique où on cite mal la Déclaration de Vienne en vue d’atteindre des buts qui sont en conflit avec la Déclaration. Le deuxième aspect consiste à ne pas mettre l’accent sur l’individu comme détenteur de droits mais plutôt sur les entités collectives comme la famille, l’état ou la religion. Le troisième aspect consiste à attaquer sans cesse la norme des droits de l’homme universels du point de vue de la culture et de la religion. Le dernier aspect consiste à remettre l’emphase sur la souveraineté qui doit l’emporter sur la loi internationale des droits de l’homme.
La menace au fonctionnement du Conseil
Les implications suite à la défaite du Non ont été décrites en termes très sévères par le Maroc :
Nous sommes à un dangereux point tournant. Ce vote à cette session sera le début d’une période très noire dans la vie du Conseil, où plusieurs États membres se sentiront exclus du Conseil, ce dernier ne tenant pas compte de leurs convictions et sentiments.
C’est pourquoi nous voterons contre la résolution, car nous croyons que cela protégera l’universalité des droits de l’homme. Nous voulons voter comme cela parce que nous voulons suivre les principes du Conseil des droits de l’homme. Avec le temps, le Conseil arrivera sans doute à un consensus auprès de tous ses membres. Le monde traverse une période sérieuse et aiguë, et nous ne voulons pas que ce Conseil érige une guerre entre les civilisations et les religions, car le but du Conseil est de bâtir sur des valeurs qui sont communes à toutes les civilisations.
Nous déplorons que cette ébauche de résolution mène à la polarisation de la vision et ne serve pas le but de mettre fin à l’injustice. Ma délégation votera contre cette ébauche.
Dans le contexte immédiat de la résolution OSIG, cela prendra la forme de non-coopération avec la titulaire du mandat, une fois que ce titulaire est en poste. Ceci fut articulé explicitement par l’Indonésie, l’Algérie et la Russie avant le vote et par les Émirats arabes unis, l’Égypte, le Qatar et l’OCI après le vote.
L’Indonésie a dit :
De plus, conformément à notre position, nous souhaitons que les dossiers indiquent que nous ne sommes pas dans une position pour appuyer, coopérer ou échanger avec le titulaire du mandat. Je vous remercie, M. le Président.
La Russie a dit :
La Fédération russe votera contre la résolution sur ce poste d’Expert indépendant sur les questions de discrimination basée sur l’orientation sexuelle et ne collaborera pas avec cet Expert une fois institué.
L’Algérie a dit :
C’est pourquoi nous voterons contre cette résolution qui, à notre avis, nous distrait des nobles principes sur lesquels le Conseil a été bâti. Et nous refusons de traiter avec un tel Expert indépendant si ce dernier est créé.
En explication après le vote, la même position fut encore donnée par une variété d’États. Les Émirats arabes unis ont dit que l’adoption de la résolution était un dangereux précédent. Cela amènerait le Conseil des droits de l’homme plus près d’une exploitation des droits de l’homme pour promouvoir des droits secondaires. En dépit de l’importance de la résolution, c’était une provocation pour plusieurs communautés. Le groupe en question ne respectait pas les traditions. Donc, les Émirats arabes unis n’ont pas accepté le mécanisme qui avait été créé et n’entendent pas collaborer avec lui.
Parlant après le vote et au nom de l’Organisation de la coopération islamique, sauf l’Albanie, le Qatar a soutenu que les valeurs de non-violence étaient importantes. L’Organisation de la coopération islamique croit que la protection contre la violence doit être accordée à tous. En même, elle a dit que la nouvelle terminologie et les concepts dans l’ébauche de la résolution ne trouvent pas leur place dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments des droits de l’homme. L’adoption de sujets non reconnus universellement, qui enfreignent directement sur les sensitivités sociales, culturelles et religieuses des États membres des Nations Unies, compromet le travail du Conseil des droits de l’homme.
L’Organisation de la coopération islamique croit que l’adoption de cette ébauche de résolution et la création d’un Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, dans un geste de supériorité culturelle, imposent un ensemble de valeurs au reste du monde. L’Organisation a fait appel au respect des contextes culturel, historique et religieux et des particularités qui étaient clairement établis dans les deux Conventions. Les pays de l’Organisation de la coopération islamique, sauf l’Albanie, ne reconnaîtront pas le mandat créé par la résolution, boycotteront l’Expert indépendant et ne seront pas en position de collaborer avec cette personne.
L’Égypte fut renversée par l’adoption de la résolution flouée (L.2.Rev.1) qui vise à établir de nouveaux droits pour les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transgenres. Selon l’Égypte, le Conseil n’avait pas le pouvoir législatif pour créer de nouveaux droits. L’Égypte ne reconnaîtra pas l’Expert indépendant et ne collaborera pas avec cette instance émanant de L.2.Rev.1.
Parlant au sujet de L.2.Rev.1, l’Iran a réitérer son engagement de poursuivre une variété d’approches pour protéger les droits humains contre la discrimination et la violence, mais toute approche devrait aborder les normes sociales et religieuses de base des communautés. L’Iran ne collaborera pas avec le mandataire créé par cette résolution.
Les États de l’OCI et le Russie disent que le mandat fondateur du Conseil des droits de l’homme – Résolution A/RES/60/251 – ne sera plus le cadre à l’intérieur duquel les États se comporteront.
Dans le paragraphe opératoire 4 de la Résolution A/RES/60/251 créant le Conseil, les principes devant guider le travail du Conseil sont élaborés :
Décide en outre que, dans ses activités, le Conseil se référera aux principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité, du dialogue et de la coopération constructifs à l’échelle internationale de façon à favoriser la promotion et la défense de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement ;
La décision de ne pas collaborer avec le mandataire fait beaucoup de dommage au principe fondateur de « dialogue et coopération constructifs ». Autre question : une fois que cette attitude de ne pas tenir compte de normes de fondation prend racine, institutionnalisera-t-elle les façons de traiter de points de vue contradictoires dans le Conseil?
Le Haut-Commissaire semble anticiper ces craintes; dans son allocution à la 32e session de Conseil des droits de l’homme, il a dit :
L’espace de travail dans lequel nous fonctionnons comme une communauté – résoudre des disputes, arriver à un consensus – est sous attaque. L’ensemble commun de lois, les institutions – et plus profondément, les valeurs – qui nous lient s’attachent ensemble. Et souffrant le plus de cette attaque sont nos pairs – votre peuple – qui portent le coup de la privation, de la misère, de l’injustice et du carnage qui en résultent.
Lire plus:
II Le processus menant à la Résolution 2016
La logique soulignant la résolution sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre
Ébauche de la résolution
Discussions informelles sur l’ébauche de la résolution
Les efforts de revendication de la société civile
Déclarations conjointes de la société civile
Montrer la nécessité d’un Expert indépendant au Conseil des droits de l’homme
III Comprendre la résolution OSIG 2016
Les résultats du vote
Une analyse des amendements hostiles
Ce que la résolution fait est plus important que ce qu’elle dit
IV Comprendre le côté politique : pourquoi les États ont voté ainsi ?
Comprendre le vote Oui
Le leadership de LAC 7
Le vote Oui asiatique
L’insuccès de la rhétorique de pays développés vs pays en développement
La passion caractérisant le vote Oui
Comprendre les abstentions
L’abstention de l’Afrique du Sud vue comme une régression
Ghana, Botswana et Namibie : des abstentions de progrès
L’abstention de l’Inde : faire du sur place ?
L’abstention des Philippines : un pas en arrière
Comprendre le vote Non
Le leadership de l’OCI
Le Groupe africain
L’appui de la Russie et de la Chine
Une plus large opposition au cadre des droits de l’homme universels
La menace au fonctionnement du Conseil
V. Les interconnexions avec les autres résolutions à la 32e session du Conseil
Appendice I- Bref résumé de toute autre référence à OSIG à la 32esession du CDH (en Anglais)
Appendice II– Description du vote sur la Résolution OSIG (en Anglais)
Appendice III– Description du vote au sujet de la Résolution sur la Famille (en Anglais)
Appendice IV- Description du vote au sujet de la Résolution du la Société civile (en Anglais)
[1] http://lgbthistorymonth.com/simon-nkoli?tab=biography
[2] George Orwell, 1984, Penguin, London, 2000
[3]http://mg.co.za/article/2016-07-06-00-sa-reckless-on-un-gender-and-sexual-rights-vote/
[4]Aengus Carroll, State Sponsored Homophobia, ILGA, 2016. p.36
[6]20. Suresh Kumar Koushal v. Naz Foundation, (2014) I SCC 1.
[7]https://indiankanoon.org/doc/193543132/
[8]17. Abolition de l’intouchabilité. — « L’intouchabilité » est abolie et sa pratique sous toute forme est interdite. L’exécution de n’importe quelle invalidité découlant de « l’intouchabilité » sera un délit punissable conformément à la loi.
[10]Cette section est basée sur des échanges avec des membres du Caucus ASEAN SOGI, Ryan Silverio et Cornelius Darpito qui ont partagé de l’analyse et du matériel pertinents.
[11]Ibid.
[12]http://www.oic-oci.org/oicv3/page/?p_id=68&p_ref=37&lan=en#normal
[13] http://www.oic-oci.org/oicv3/page/?p_id=68&p_ref=37&lan=en